Ce texte a été publié dans le magazine “Biolinéaires” en 2014.
Il n’y a guère de produits d’utilisation journalière qui sont si peu transparents et si peu connus que les détergents. Certes, ils moussent, ils viennent en vert ou en orange, ils font miraculeusement disparaître la crasse. Ils émanent même un parfum du printemps, ou des îles. En sus il y a, et ce depuis 1980, une offre considérable en détergents soutenables. D’où proviennent, que sont et que font les détergents ? Tâchons de mieux comprendre et mieux sélecter.
Savon dur
Jusqu’au dernier quart du 19e siècle on ne connaissait pas de produits détersifs à part de ce qu’on appelle aujourd’hui le vrai savon. Il y avait juste des décoctions marginales de plantes spécifiques comme le saponaire (Saponaria officinalis) ou l’écorce de Panama (Quillaja saponaria) pour certaines applications fines.
On pourrait utiliser le terme savon historique pour le vrai savon, puisque les traces les plus anciennes d’un produit qui ressemble à notre savon datent de 4.000 ans avant notre ère, en Perse.
Le terme détersif date du 16e siècle : un adjectif dérivé du verbe latin detergere, ‘enlever les souillures’. Un détersif ou détergent est donc une substance qui a la capacité d’enlever les souillures, de laver ou nettoyer.
Un descendant lointain du savon historique persiste encore dans le savon d’Alep, qui est le prédécesseur de nos actuels savons durs, remontant au VIIIe siècle.
Le procès de fabrication de ce qu’on appelle toujours ‘le vrai savon’ est la saponification. C’était à l’origine une ébullition – qui pouvait durer plusieurs jours – d’une soude caustique diluée dans laquelle on faisait venir une ou plusieurs huiles végétales. En France, c’était principalement le savon dit “de Marseille” – plutôt la dénomination d’une méthode de fabrication qu’une marque. La pâte du savon de Marseille était, la saponification terminée, relarguée moyennant une ébullition avec de l’eau salée. Comme le savon n’est pas soluble dans de l’eau salée, il vient surnager et on peut le séparer du liquide, qui lui contient les restes de la soude et toute la glycérine, fort précieuse d’antan. Cette opération se répétait jusqu’à trois fois, comme quoi la brique de savon finie ne contenait plus que des traces d’alcalin libre. On comprendra que suite à ces opérations méticuleuses le savon dit “de Marseille” n’était pas le meilleur marché.
Savon mou
Le principal autre type de savon était le savon mou. Celui-là se fabriquait à partir d’huiles végétales de qualité inférieure, et non pas avec de la soude, mais avec de la potasse caustique. Sa couleur dépendait principalement des huiles mises en œuvre : dans le Midi on ajoutait du colophane – la résine du pin – ce qui donnait le savon noir. Dans d’autres régions on utilisait plutôt l’huile de lin, qui donnait une couleur brune et qu’on appelait dès lors le savon brun. Dans d’autres régions encore on prenait l’huile de chanvre et on obtenait le savon vert – l’huile de chanvre a un teint verdâtre.
Tous ces savons mous n’étaient qu’une variation sur un thème, ils ne subissaient pas de relargage ; c’étaient en général des savons bon marché, assez grossiers et hautement alcalins. Ce qui, bien sûr, n’était pas très favorable pour la peau. En dépit de ce facteur, une grande partie de nos aïeuls a utilisé un savon mou, même comme savon corporel et comme shampooing – sauf s’ils étaient des gens bien qui pouvaient se permettre le savon de Marseille.
L’eau dure
Toutefois, les jours du savon historique, dur ou mou, comme seul détergent étaient déjà comptés. D’antan les gens utilisaient principalement de l’eau de pluie pour le lavage. Et pour de bonnes raisons : dans une eau douce, le savon se dissout en une solution limpide, mais dans une eau dure il réagit avec le calcaire de l’eau et donne un solution opaque. Le tartre formé est insoluble, laisse un filme gras sur les surfaces et un voile gris sur le linge, il développe une odeur désagréable et favorise la croissance de micro-organismes. Mais il gêne aussi fortement la teinture des textiles, et c’est principalement cet aspect qui va accélérer le déclin du vrai savon comme le seul détersif.
Savon-Guide Vert
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