par Peter Malaise
La (bio)dégradation n’est pas un corps cohérent de phénomènes, essais, règlements et/ou normes qui peut s’appliquer sur toute substance ou ingrédient en existence. Tel que nous la connaissons actuellement l’idée a été créée suite à l’eutrophisation massive des eaux de surface à la fin des années 1950. Il y avait deux sources principales pour cette eutrophisation:
L’utilisation illimitée de phosphates dans les lessives et nettoyants ménagers, à côté des applications industrielles, en l’absence de stations d’épuration, en tout cas de stations aptes à déphosphater;
L’utilisation généralisée de tensioactifs pétrochimiques branchés (type alkylbenzène sulphonate ou ABS, C12H25C6H4SO3Na). Ces tensioactifs n’avaient fait leur apparition que vers 1930.
Par la législation européenne sur les détergents de 1972 et ses annexes (reprise par beaucoup d’autres pays), il serait dorénavant interdit d’utiliser des tensioactifs branchés (ramifiés) en faveur des tensioactifs linéaires, ces derniers étant mieux dégradables en aérobie. Au sein de l’OCDE une série d’essais de labo était créé afin de pouvoir évaluer cette biodégradation. Il ne s’agit donc pas d’une reproduction de la situation réelle dans l’environnement, mais d’une simulation en conditions de labo, avec comme but de limiter le temps et les coûts de ces essais et de pouvoir faire des comparaisons entre molécules. Linterdiction généralisée des phosphates dans les lessives n’a été introduite qu’en 2007, dans d’autres détergents elle ne rentrera en vigueur que cette année. Et il faut préciser que pour toute classe de produits on peut obtenir une dérogation, même pour la biodégradation obligatoire des tensioactifs!
Avec l’émergence d’une conscience environnementale auprès d’un plus grand public à partir de 1968, l’élément de la biodégradation devenait de plus en plus contraignant. Malheureusement ce développement et sa vulgarisation se sont fait moyennant des simplifications grossières:
Là où la législation ne concerne que les tensioactifs dans les détergents, dans le discours général la biodégradation était et est toujours sous-entendue concerner le produit entier. Les grands savonniers ont toujours défendu que les autres ingrédients ne posaient aucun problème. En premier, les éléments minéraux ne comptent pas pour la biodégradation; ce sont des combinaisons chimiques décomposables en leurs éléments constituants, mais pas dégradables. Les lessives en poudre contiennent aisément 60% de minéraux. En outre, la biodégradation n’est vraiment mesurable que pour les tensioactifs anioniques et amphotères. Pour les non-ioniques et les cationiques il n’existe pas d’essais agréés. Or, un belle partie des non-ioniques sont les tensioactifs majeurs pour lessives, lave-vaisselle, nettoyants surfaces lisses, …, incontournables pour les matières synthétiques. Le marketing a encore aggravé la situation en rajoutant partout ‘100%’. Or, il est intrinsèquement impossible de prouver ces 100%. La législation impose 60% en 28 jours pour les tensioactifs. Il est vrai qu’on aurait pu mettre la barre à 70%, mais en tout cas il est impossible d’obtenir des données fiables au-delà de 80%.
Il est bien sur possible de mesurer la biodégradation d’autres molécules que les tensioactifs. Pour chaque catégorie de substances il faudra une méthode d’évaluation appropriée à la catégorie. Dès lors, les résultats arithmétiques des différentes catégories ne seront pas comparables entre-eux. On pourra déclarer qu’un détergent vaisselle machine et sa pochette sont tous les deux entièrement biodégradables en aérobie et en anaérobie, mais les trajets biochimiques et chimiques des deux seront inévitablement différents.
A côté de la biodégradation, il doit y avoir une faible toxicité aquatique, ainsi que absence de métabolites stables après la dégradation:
- Une toxicité aquatique globale élevée (produit, enveloppe et tous leur constituants) pourrait fortement gêner la biodégradation: elle ira réduire ou anéantir la population de bactéries responsables pour la biodégradation.
- Absence de métabolites stables: Je réfère à des essais OCDE 303 A ‘Coupled Units’ effectués sur deux lessives conventionnelles et une soutenable, tous leaders du marché. Courant trois mois, les conventionnelles généraient 12-15% de métabolites stables sur leur poids d’origine, la soutenable 0% (calculez les montagnes que cela représente, ne fusse que pour la consommation annuelle française).
La faible toxicité aquatique et l’absence de métabolites stables devraient former un élément constituant de l’évaluation de la qualité environnementale globale.